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Marcevol, un site exceptionnel à protéger et à faire vivre

Les temps préhistoriques

Cet article, rédigé par Yves Blaize pour la revue D'Ille et d'ailleurs (n° 8, octobre 1987), montre que le territoire de Marcevol fut occupé aussi bien à la Préhistoire qu'aux temps protohistoriques.

CADRE GEOGRAPHIQUE: LE PAYSAGE

 Le territoire de la commune d'Arboussols (à laquelle est rattaché Marcevol), est localisé en Bas-Conflent, sur un secteur du massif granitique primaire de Quérigut-Millas. Sur la rive gauche de la Tet, il s'escarpe suivant la faille exhumée de la bordure septentrionale du fossé d'effondrement d'arasement du plateau de Montalba, dont la formation remonte au Miocène moyen. Au nord, les pentes plus accusées mènent à la ligne de crête qui culmine au pic de Bau, à 1025 mètres d'altitude.

 Les deux localités sont implantées sur deux replats séparés par le ravin de la Font d'en Guit. Ils s'évident en cuvettes d'origine éolienne, comblées par les sables et les argiles, produits de la décomposition du granit. Ces petites dépressions captent les eaux de pluie et jouent le rôle de réservoirs qui favorisent la croissance des graminées en saison humide.

 L'érosion a déblayé les pentes des sédiments détritiques et dégagé les pointements rocheux parfois désagrégés en chaos granitiques. Les plats et les faibles déclivités aux sols plus épais sont plantés en vignes qui ont remplacé les cultures vivrières d'antan. Au sud, les pentes des ravins encaissés sont aménagées par d'innombrables feixes réservées à la culture de l'olivier. Elles sont actuellement colonisées par le chêne vert, la bruyère arborescente et le ciste à feuille de laurier. Cet arbrisseau et l'ajonc épineux sont omniprésent sur les pentes de la ligne de crête et sur les terrains où le granit affleure, tandis que le chêne pubescent se confine dans une combe, au Bosc de la Devesa. Ce modeste bosquet, dernier vestige de l'antique forêt méditerranéenne, est à l'origine, par son action régulatrice, de la source qui alimente Arboussols en eau potable. En vérité, elle est bien défaillante lors des crises de sécheresse.

 Ce terroir à moyenne altitude et à la solane, avec des sols aréneux légers favorables à la production des céréales et des plats à pelouses naturelles, réunit les éléments qui ont pu autrefois favoriser l'implantation d'une communauté d'agriculteurs-éleveurs.

 L'OCCUPATION PREHISTORIQUE

 Près d'Arboussols, il a été découvert bien peu de témoins de cette première occupation. On peut signaler un talon de hache polie, quelques tessons typiques et un polissoir en schiste micassé découverts par Y. Macary et D. Aubert. A Marcevol, les vestiges préhistoriques sont beaucoup plus importants, avec la présence de l'oppidum du Roc del Moro et des dolmens du Mas Llussanes.

 L'Oppidum du Roc del Moro

 On appelle oppidums des villages-refuges établis sur des sites naturels favorables à la défense, occupés en périodes de troubles ou lors de conflits épisodiques. Il en existe plusieurs dans le département, et un seul, celui de Llo en Cerdagne, a été l'objet de recherches. Pierre Campmajo, qui y mène des fouilles depuis 15 ans, a pu obtenir une datation qui fait remonter l'occupation du site à 1200 av. J.C., c'est-à-dire à la fin du Bronze moyen: origine assez lointaine dans le temps passé pour que la mémoire des hommes en ait perdu le souvenir et attribue la paternité de ces constructions aux Maures qui occupèrent la région au cours du VIlle siècle.

 L'oppidum du roc del Moro, à Marcevol, est situé sur les rochers qui s'érigent en crête, ligne de démarcation entre les territoires des communes de Tarerach et d'Arboussols. La face nord, qui domine la cuvette de Tarerach, est défendue par l'abrupt de grands rochers. Au sud, la position est plus vulnérable : on peut y observer un large espace découvert, sorte de glacis défensif dégagé pour faciliter le tir à l'arc. Ce glacis est ceinturé par deux talus, quelques gros blocs soulignant ces levées de terre dégradées par le ruissellement des eaux de pluie.

 Généralement, les oppidums étaient défendus par des enceintes en pierre sèche. Tel est le cas de l'éperon barré de la Merle, ou Mur des Maures, à Trevillach, dont le mur long de 30 mètres, large de 3 mètres, atteignait peut-être 2 mètres de haut. Au Roc del Moro, vraisemblablement des palissades ont pu être utilisées comme système défensif. Les cabanes localisées au sommet du roc s'adossaient à des pans de rochers. La mieux conservée, avec des murs de 1 mètre de hauteur, paraît être une construction plus récente, peut-être une ancienne bergerie. On peut aussi observer entre autres un fond de cabane rectangulaire de 5 mètres de long sur 2 de large, circonscrit par un muret en pierre sèche éboulé qui n'atteint pas 50 centimètres de haut. Les parois et le toit devaient être construits en matières végétales. Le sol est jonché de menus fragments de poteries érodés. Comme éléments remarquables, on peut mentionner la découverte d'une fibule en bronze (ancêtre prototype de l'épingle à nourrice) par un anonyme, et une fusaïole en terre cuite par J. Ruiz.

 Le site est bien attachant, il mériterait qu'on y effectue des recherches. Pour cela, il faudrait du temps et des moyens financiers plus substantiels que ceux qui sont alloués actuellement aux chercheurs bénévoles du département.

 Le dolmen de la Barraca

 Situé à 200 mètres au nord-ouest du mas Llussanes, c'est par le hasard du découpage administratif de la période révolutionaire qu'il appartient à la commune de Tarerach. Nous l'incluons néanmoins dans notre propos pour ne pas dissocier les divers éléments d'un ensemble historique et culturel. Il a été étudié par Jean Abelanet, qui consacra une grande part de ses activités de préhistorien à la recherche, au recensement et à J'étude des mégalithes roussillonnais :

 "C'est un beau monument, un dolmen à couloir probablement, ouvert au sud-est ... Cinq grosses dalles de granit assez régulières, une pour le chevet (2,35 m de long), deux pour chaque côté (l,60 met 1,05 mpour le côté nord-est; 1,30 m et l,30 m pour le côté sud-ouest) délimitent une dalle de granit de 3,13 m de longueur sur 2,35 m de large (épaisseur moyenne 0,25 m), qui est une des plus importantes du département. Si le dolmen est bien conservé, le tumulus semble avoir souffert des travaux agricoles et sa forme est problématique (circulaire ?) ... "

(Jean Abelanet. "Dolmens et rites funéraires en Roussillon", Revue Conflent n°.145, 1987).

 A une centaine de mètres à l'est de la Barraca, Jean Abelanet découvrit un second dolmen dépourvu de sa dalle de couverture, plus exactement un caisson ou ciste, de dimensions bien plus modestes. C'est à titre gracieux qu'il en concéda la fouille à Henri Baills, alors archéologue débutant. Elle n'a apporté aucun vestige significatif.

 Les dolmens, appelés autrefois "monument druidiques ", furent longtemps attribués aux Celtes, mais de nos jours on sait qu'ils sont bien antérieurs et qu'ils ont été construits pour servir de tombeaux. Au Néolithique, c'est-à-dire dans le temps où J'homme préhistorique à la recherche de nouvelles ressources alimentaires découvre l'agriculture et l'élevage, la pratique de J'inhumation individuelle est la règle générale. Dès le IVe millénaire le dépot des morts en tombes collectives prévaut, il est attesté notamment à la Cauna de Belesta, où une petite salle conservait les restes d'une quinzaine d'individus avec un lot remarquable de 28 céramiques. Ce rituel funéraire se généralise: dans les régions calcaires les morts sont déposés en grotte; en régions au substrat granitique ou schisteux, la construction de monuments mégalithiques supplée au manque de cavités naturelles. En Bretagne, ceux-ci sont de dimensions colossales, ce qui atteste l'importance du culte rendu aux morts. Les allées couvertes du Finistère et de Normandie ont été datés du début du VIe millénaire. Les dolmens roussillonnais, beaucoup plus modestes, sont aussi plus récents.

 Jean Abelanet en a fouillé une trentaine, et le matériel recueilli est d'une pauvreté affligeante. Quelques rares vestiges, notamment des tessons de poterie campaniforme, lui ont permis de conclure à une pleine utilisation au Chalcolithique ou Age du cuivre, entre 2200 et 1800 avant J. C. Ils ont été réutilisés au cours des époques postérieures jusqu'au temps de l'occupation romaine. A la période contemporaine, ils ont le plus souvent servi d'abris aux bergers ou aux agriculteurs, d'où le nom de "la Barraca" donné au dolmen du mas Llussanes. Fouillé maintes fois au cours des générations par les chercheurs de trésors, ils ont été vidés de leur contenu. Selon J. Abelanet, "il n'est pas exclu que certains de ces dolmens ne soient pas plus anciens malgré la quasi absence de preuves archéologiques : aux alentours immédiats du dolmen du mas Llussanes nous avons récolté des vestiges céramiques et autres, datables, sans doute possible, du néolithique final (Poterie Verazienne: 2500-2000 avant J. C.)."

 De ce qui fut sans doute le village primitif, il ne reste aucune trace : les aménagements à des fins culturales lors de l'exploitation intensive des terres aux siècles derniers ont effacé les traces des habitations, de pauvres cabanes vraisemblablement. Les tombeaux de pierre, muets témoins des temps révolus, demeurent. Il importe d'en assurer la sauvegarde et la conservation, car ils appartiennent à notre patrimoine le plus ancien.

Yves BLAIZE

Julien dolmen.jpg

Signe 2.jpg

Dolmen de la Barraca et gravure sur roche

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