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Marcevol, un site exceptionnel à protéger et à faire vivre

Le golf : un projet délirant

Afin de permettre à tous nos adhérents et à tous les visiteurs de ce blog de mieux comprendre les multiples avatars du golf de Marcevol, voici un historique remontant aux années 1990. Chacun pourra ainsi juger de l'utilité et de la pertinence du projet !

 

UN PROJET DÉLIRANT DE COMPLEXE IMMOBILIER ET DE GOLF À MARCEVOL

 

Marcevol est un hameau situé sur la commune d'Arboussols, dans les Pyrénées–Orientales. Les deux communes de Marcevol et d'Arboussols ont été administrativement réunies en 1822. La commune de Marcevol s'étendait alors sur 674 ha.

Aujourd'hui le hameau de Marcevol regroupe une vingtaine d'habitants permanents. Les maisons sont rassemblées autour d'une église du XIe siècle. En contrebas, un prieuré roman, dont l'église est classée Monument historique, accueille des visiteurs, des groupes en séjour et des manifestations culturelles.

Le site de Marcevol est exceptionnel : promontoire et plateau granitique, il domine la vallée de la Tet face au Canigou. Orienté au sud, il est caractérisé par des vents violents et une forte sécheresse.

Un dolmen et les ruines d'un oppidum attestent d'une occupation très ancienne. Les traces d'anciennes cultures sur de toutes petites parcelles escarpées sont encore lisibles : murets de soutènements, oliviers, cabanes de pierres sèches.

Le maillage du territoire par des chemins ruraux est très dense : accès aux parcelles cultivées, circulations entre villages, chemins de pèlerinage. Le « Pardon » de Marcevol remonterait au XVe siècle. Le 3 mai 1680, plus de 10 000 pèlerins, venus gagner leur indulgence auraient emprunté ces chemins pour rejoindre l'église du hameau.

Dans les années 1970, les terres de Marcevol étaient plantées de vignes et entretenues par des chèvres. Le plus gros propriétaire terrien du hameau habitait le prieuré transformé en domaine agricole. La vente du domaine a séparé le prieuré de la plupart de ses terres, et le syndicat intercommunal (SIVM) regroupant les onze communes du canton s'est porté acquéreur des terres, devenant ainsi propriétaire de plus de 250 ha, presque d'un seul tenant.

Dès 1972 l'association du Monastir de Marcevol a entrepris la rénovation de l'ensemble du prieuré. Afin d'en assurer la pérennité et de le protéger définitivement de tous les appétits mercantiles, le prieuré et son domaine de 14 ha ont fait l'objet, en 2002, d'une donation à la « Fondation du prieuré de Marcevol », déclarée d'utilité publique.

 

Le premier golf : échec sur toute la ligne

 

L'histoire, pleine de péripéties, du "golf de Marcevol", remonte au début des années 1990.

Les travaux pour un parcours de golf de 9 trous ont été commencés sans aucune autorisation préalable en mars 1996.

Une enquête publique a été ouverte par le sous-préfet de Prades en octobre 1997, l'arrêté d'autorisation des travaux du golf a été pris le 12 mars 1998. Auparavant, les 4 premiers trous avaient été inaugurés le 16 juillet 1997. Ce premier projet de golf a été justifié par un certain nombre d'arguments : lutte contre l'incendie, création d'emplois, etc...

Le projet soumis à enquête publique en 1997 prévoyait une zone restreinte d'habitations légères de loisirs. Le président du SIVM d'alors, encore en exercice aujourd'hui, avait répondu par écrit aux questions à ce sujet du commissaire enquêteur: " Aucune opération immobilière de grande envergure n'est à craindre. Il a été prévu de mettre en place des habitations légères de loisirs derrière le practice".

Le projet de golf "9 trous" a fait l'objet de financements publics très importants, notamment européens, et même agricoles, permettant de financer l'arrosage au prétexte de la présence de quelques parcelles de vergers. Un verger symbolique d'abricotiers a été planté. Il devait être productif et pourvoyeur d'emplois.

 

Ces arguments n'ont pas fait la preuve de leur pertinence puisque le golf a existé pendant sept ans et cessé ses activités après l'été 2004 :

La création d'emplois s'est réduite à un directeur-professeur practice-chef d'entretien, à quelques emplois précaires sporadiques, et à une sous-traitance de l'entretien au C.A.T. du chef-lieu de canton. Il était impossible de se promener sans danger sur les chemins communaux cadastrés et débroussaillés qui traversent le golf, et la réalisation du practice a empiété sur toute la largeur du GR 36, constitué à cet endroit d'un cami ramader typique, chemin de transhumance bordé de pierres levées, qui a été entièrement détruit en 1997.

Le golf, dit "rustique", n'a pas attiré la clientèle habituée à des parcours homologués. Il pouvait se passer trois jours sans qu'un golfeur apparaisse, sans parler des mois d'été où la sécheresse rend le terrain totalement inutilisable. La fréquentation a été évaluée à 7 golfeurs / jour en moyenne, y compris ceux qui n'utilisaient que le practice. Les vergers ayant justifié les subventions agricoles d'arrosage sont à l'abandon.

 

L'apparition d'une société immobilière internationale

 

Les communes du canton, ayant regretté l'absence de profits et mutualisé les pertes engendrées par ce fiasco, ont chargé leurs élus de déléguer au président du Syndicat l'autorisation de vendre la plus grande partie des terrains.

 

Auparavant, la commune d'Arboussols a élaboré un document d'urbanisme extrêmement simplifié et sans règlement spécifique contraignant (une carte communale) qui rend constructibles sur le hameau de Marcevol environ 1,6 hectares appartenant au Syndicat. Le 14 février 2005, un arrêté préfectoral confirmait l'approbation par la commune d'Arboussols de sa carte communale.

Le dossier d'enquête publique concernant cette carte communale contenait un courrier, adressé au commissaire enquêteur et annexé au registre d'enquête, de la société Corinthian Scotland Limited proposant, sur les terrains du hameau de Marcevol appartenant au SIVM, un projet immobilier et l'agrandissement du golf existant :

« Nous désirons créer, sur le terrain du présent parcours de golf de Marcevol et de ses environs représentant au total 250 hectares, un centre international de haut niveau incluant un complexe de sports et de détente ainsi que des appartements résidentiels... Nous prévoyons d'élargir et d'améliorer considérablement l'actuel parcours du golf en créant un parcours de championnat de 18 trous... Une école de golf sera créée et installée sur ce terrain...

Parallèlement à l'installation du parcours de golf, nous développerons et élargirons également le présent pavillon en y ajoutant une station thermale, une piscine, un émanatorium, un sauna, un centre de remise en forme, un institut de beauté, des vestiaires, des douches, une boutique de golf d'accessoires professionnels, un petit magasin de vente au détail, un restaurant de qualité, des équipements extérieurs, une salle de billard, un bar discothèque, ainsi qu'un Bistrot-café.

Lié au pavillon, nous construirons un hôtel de 29 chambres... Dans la zone de l'actuel terrain d'entraînement et derrière le practice, s'étendra l'aménagement d'environ 74 appartements... Nous construirons également 2 terrains de tennis, un stand de tir à l'arc, et d'autres activités extérieures. Ultérieurement, nous prévoyons d'installer un centre équestre... »

 

Création de l'Association pour la protection du site de Marcevol

 

C'est à la suite de cette enquête publique qu'a été créée, le 11 décembre 2004, l'association de protection du site de Marcevol.

Cette association a pour but principal « la préservation et l'animation du site de Marcevol, hameau de la commune d'Arboussols, dans le respect de son patrimoine, de sa réalité géographique, et de son devenir économique et culturel ».

En 2005, l'association regroupe 302 adhérents venus de tous les horizons : habitants de proximité et adhérents plus éloignés ayant séjourné au hameau ou au prieuré, unanimes pour refuser la disparition du caractère exceptionnel du site de Marcevol et que soit vendu un territoire qui appartient à tous.

L'association tient sa première assemblée générale le 17 décembre 2005. Les adhérents affirment leur exigence de transparence, et leur volonté, non pas de figer le site en l'état, mais de promouvoir des alternatives dynamiques, mesurées, adaptées au site et répondant à des besoins locaux.

En 2006 l'association compte 207 adhérents, 207 également en 2007, 214 en 2008.

Elle cherche, dès sa création, à alerter l'opinion sur la mise en place d'un projet de complexe golfique à Marcevol, hameau connu de tous pour la valeur de son patrimoine historique, son exposition géographique totalement inadaptée à l'arrosage et à la pratique du golf. Rapidement de nombreux soutiens se manifestent : Conseil général des Pyrénées-Orientales, association archéologique des Pyrénées-Orientales, professionnels d'activités agricoles, environnementales, d'accueil et d'éducation, chasseurs, fédération nationale de l'âne randonneur. Ses actions et ses prises de positions sont largement relayées par les médias.

 

La vente

 

Le 24 mai 2005, le Syndicat intercommunal prend une délibération ayant pour objet la « Cession de droits réels immobilier – Vente du golf de Marcevol » à la société EASSDA France SA, les parcelles mises en vente représentant 111 ha 18 a 66 ca et comprenant les seules parcelles constructibles du hameau, l'ensemble pour un montant de 160 000 €.

L'association se lance alors dans l'aventure des procédures juridiques pour empêcher cette vente et dénoncer les irrégularités de la délibération.

L'évaluation du service des Domaines n'ayant pas été respectée, une nouvelle délibération, prise le 14 octobre 2005 après le dépôt par l'association d'un recours gracieux, remonte le prix de vente à 430 000 €. Tout bénéfice pour les communes du syndicat propriétaire, mais l'idée de constituer un collectif d'acquéreurs alternatifs s'éloigne d'autant !

L'acte de vente révèle le lien entre l'acquéreur la société EASSDA France SA et la société Corinthian Scotland Limited qui avait présenté son projet dans le cadre de l'enquête publique de la carte communale de la commune et qui figure comme personne morale dans l'acte de vente.

L'association poursuit son recours auprès du tribunal administratif de Montpellier. Les arguments ne manquent pas : délibération incomplète, absence d'affichage, absence de débat, besoins en eau et en voirie largement supérieurs aux capacités du site, statut des chemins communaux enclavés passé sous silence, projet allant à l'encontre de l'intérêt général.

 

La commune d'Arboussols se lance à son tour dans la vente de terrains à la même société le 31 décembre 2006. Nouveau recours gracieux de l'association entraînant une nouvelle délibération rédigée plus soigneusement le 3 août 2007 et nouveau recours de l'association auprès du tribunal. Les arguments à l'encontre de cette vente sont plus nombreux encore que les arguments contre la vente du syndicat : entre temps, la société a déposé le 12 décembre 2006 un dossier de demande de permis de construire et cette demande lui a été refusée le 28 mars 2007.

 

Un dossier révélateur

 

Que nous apprend le contenu du dossier de demande de permis de construire ?

 

L'introduction du dossier donne le ton : « le projet de golf rustique se présente comme la solution qui permettrait de ralentir le déclin du village et de maintenir la population, comme le souhaitent les acteurs locaux », « le projet intègre l'environnement depuis sa conception jusqu'à sa réalisation », le projet est cohérent avec les différents réseaux et voies de communication existants ».

Le projet reste le même que celui annoncé par la société en 2002. Le « village golfique » comprend un ensemble de restaurants, piscine, « centre de remise en forme » et « centre de soin du corps », boutiques, puis un hôtel de 24 chambres sur trois niveaux « au confort luxueux d'un hôtel 4 étoiles », un club-house, 54 appartements de 85 m2 et 20 appartements de 105 m2, 7 chambres pour le personnel, et des locaux techniques, 177 places de parking (dont une grande partie est implantée sans façon sur un tronçon, bordé de pierres, du GR 36).

Pour cette énorme opération immobilière, l'assainissement et l'eau potable seront « raccordés aux réseaux communaux existants sur le hameau » alors que les capacités en eau du hameau restent incertaines (selon la carte communale d'Arboussols) et que la zone d'épuration est toujours vétuste et sous-dimensionnée.

Les dizaines de pages écrites du dossier ne mentionnent ni la destruction d'une partie du GR 36, ni l'estimation des besoins en eau potable du projet : en cumulant les capacités prévues d'hébergement, on arrive à un total de plus de 390 nouveaux résidents.

Le système prévu pour l'arrosage du golf est largement détaillé. La consommation d'eau annoncée est de 250 000 m3/an (l'équivalent de la consommation en eau pour une année d'une ville de 5 000 habitants !). 9 plans d'eau seraient répartis sur le terrain, couplés avec un « réseau de petits ruisseaux agrémentés de petites chutes d'eau», alimentés par un pompage dans la nappe d'accompagnement de la Tet, en amont du barrage de Vinça. La canalisation d'eau, d'une longueur de 3 km, doit franchir une dénivelée de 350 m. Le mot « évaporation » n'apparaît pas une seule fois dans le dossier technique et les grenouilles promises devront s'accommoder du revêtement intérieur en caoutchouc des plans d'eau.

Les chemins pédestres traversant le golf sont pris en compte : « d'expérience, il y a très peu de parcours de golf qui ne sont pas traversés par des sentiers ouverts au public et, dans la majorité des cas, une signalisation judicieuse et adaptée permet de s'assurer que les incidents restent rares ».

Doit-on se satisfaire de ce beau discours ?

Dans la liste des promesses :

- la maîtrise de l'énergie, appliquée à l'ensemble du projet, permettrait de réaliser le premier golf à « énergie positive » et de produire plus d'énergie que l'énergie consommée (difficile à croire quand les barres de logement sont orientées est-ouest !).

- Marcevol deviendrait enfin un site largement boisé de sorbiers, mimosas, saules, oliviers, pins parasols, chênes. Des bosquets seraient aménagés sur le parcours de golf, composés de bouleaux, d'érables, de peupliers... Entre les bâtiments du complexe immobilier les chemins abriteraient des fontaines et des zones de repos ombragées...

 

Que nous apprend l'arrêté de refus de la demande de permis de construire ?

 

Le projet consiste en la réalisation d'un ensemble immobilier de 12 500 m2 de superficie hors-œuvre nette et en l'extension d'un golf existant. Ce projet nécessite une Unité touristique nouvelle (UTN). Ensuite, le dossier d'UTN doit être soumis pour autorisation au préfet coordonnateur du massif pyrénéen ou au préfet du département. Ce dossier doit contenir tous les éléments d'étude concernant les conditions générales de l'équilibre économique et financier du projet, ses caractéristiques principales : l'analyse de la demande à satisfaire et les modes d'exploitation et de promotion envisagés, les effets prévisibles du projet sur le site et l'environnement ainsi que les mesures de protection et de réhabilitation à prévoir, les conséquences de cette modification de l'économie locale.

Cette procédure est soumise à enquête publique.

 

Un échec qui ne doit pas nous décourager

 

Nos requêtes pour faire annuler la vente des terrains à la société EASSDA ont été rejetées. Le rejet des requêtes repose sur l'argument selon lequel la vente d'un ensemble de terres ne porte pas atteinte aux intérêts qu'entend protéger l'association. Il s'agit d'opérations « de privé à privé » qui ne préjugent pas de l'utilisation qui sera faite de ces terrains. Nous n'avons eu de cesse de contester cet argument dans nos mémoires en réponse, puis oralement à l'audience, en vain. Toutes les irrégularités que nous avons dénoncées n'ont pas été prises en compte, notre intérêt à agir étant refusé en amont.

Après avoir étudié les chances de gagner en appel auprès de la cour administrative d'appel de Marseille, pris conseil auprès de personnes extérieures, évalué le coût financier d'une telle démarche, relevé les faibles délais pour constituer un nouveau dossier (mais les délais très importants d'attente pour obtenir un jugement du tribunal de Marseille, tandis que l'appel n'est pas suspensif), l'association a décidé de renoncer à faire appel.

La conséquence de cet échec est grave : la société est définitivement propriétaire de 112 ha à Marcevol. La plus grande partie du territoire est aliénée aujourd'hui par une société immobilière privée. C'est un bien collectif qui disparaît.

L'association se prépare bien entendu à contester toute nouvelle demande de permis de construire qui serait déposée. Nous avons également déposé auprès du préfet une demande d'agrément comme association locale d'usagers, afin d'être consultés pour l'élaboration des documents d'urbanisme de la commune.

 

Pour une mise en valeur du site de Marcevol

 

Mais les démarches juridiques ne sont qu'un aspect de notre mobilisation.

En avril 2006, l'association a organisé une journée de travail sur l'avenir du site de Marcevol et étudié le contenu d'un projet de développement alternatif global sur le territoire. La privatisation du territoire n'empêche pas de poursuivre cette réflexion engagée.

Nous réalisons également un travail de mémoire, interviews, photothèque ... pour prouver l'aberration d'un éventuel complexe immobilier parachuté sur un lieu autant chargé d'histoire.

Depuis la création de l'association, nous avons proposé de nombreuses animations sur le terrain, animations toujours relayées largement par les médias. Nous ciblons ces actions autour des chemins : nettoyage et entretien à l'automne le premier week-end d'octobre, animation en mai. Libérés pour le moment de la charge et des échéances liées à nos procédures juridiques, nous allons poursuivre le marquage des chemins par des interventions mémorables : rencontres, événements artistiques. Ces chemins sont inaliénables et de plus en plus fréquentés. Nous avons débroussaillé la majorité de chemins du territoire, en particulier les anciens chemins de pèlerinage. Certaines parties sont encore dallées et bordées de murs de pierres sèches. Nous les avons parcourus avec des ânes randonneurs en mai 2007. Marcevol possède des espèces uniques d'insectes et de plantes qui contribuent à rendre inestimable le patrimoine naturel du site et que nous faisons découvrir chaque année.

Au fil des années, Marcevol est devenu un enjeu culturel et un point fort de création artistique, grâce en partie manifestations culturelles initiées par la fondation du prieuré. A l'occasion du millénaire, l'artiste Wolfgang Laib a réalisé une chambre de cire à laquelle on accède par l'un de ces chemins. En mai 2006, un groupe d'artistes locaux a mis en valeur d'autres chemins par une manifestation de Land'art exceptionnelle. Tous ces événements éphémères ou pérennes, passés et à venir, sont autant de signaux forts dans notre démarche de défense du site.

 

Sophie d'Arthuys

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